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Photo du rédacteurLaurent Puech

Les violences faites aux femmes PAR des aidant.e.s : oubliées ? Impensées ? Peu abordées !

Dernière mise à jour : 18 nov. 2020

« Les voies de l’enfer sont pavées de bonnes intentions »

Dicton populaire


Le 25 novembre, journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, est une date où se réunissent et se mobilisent tous les acteurs engagés contre ces violences, avec une prégnance du thème de la violence conjugale. C'est en général l'occasion, dans des réunions en Préfecture ou au niveau national, lors de conférences ou colloques, de dire deux choses :

  • combien il faut continuer le combat

  • combien "nous" (association X, service Y, institution Z, etc.) avons bien travaillé.

Les besoins de soutien financier (le plus souvent) sont énoncés devant les financeurs qui en réponse rappellent à quel point ils font déjà beaucoup car ils ont bien conscience que.. etc.

Ce rituel est au moins utile pour souligner l'importance du sujet et la nécessaire mobilisation de toutes et tous pour en réduire la prévalence. Après ce moment, chacun s'en repart vers une conférence ou une exposition et autres actions de sensibilisations sur le sujet.


Dans ces réunions :

Un implicite : "nous travaillons bien mais les autres devraient s'améliorer".

Un sujet souvent oublié : celui de la violence des aidant.e.s, des atteintes aux femmes que produisent celles et ceux qui ont pour fonction d'aider ces femmes à en sortir.


Si la violence, c'est...



Alors, je propose une liste non-exhaustive d'actes maltraitants produits ou encouragés par des professionnel.le.s et bénévoles situé.e.s dans une fonction qui affirme lutter contre la violence faîte aux femmes.


Bien entendu, cette liste non-exhaustive de violences et d'atteintes aux personnes aidées ne reprend pas certains aspects beaucoup plus médiatisés tels l'exemple bien connu du refus de prise de plainte pour des raisons diverses et variées. Il s'agit d'éclairer des parties moins connues, moins visibles, moins énoncées de ces violences spécifiques produites par celles et ceux qui veulent pourtant les combattre...

Et je n'oublie pas que les violences décrites ci-dessous sont pratiquées sans intention quelconque d'être violent, avec le sentiment que c'est pour le bien de la personne. Après tout, quand on se pense bienveillant, il n'est pas aisé d'identifier immédiatement que l'on peut abuser l'autre que l'on veut protéger, attenter à sa personne, voire la violenter... pour la faire sortir de la violence... d'un autre.


Ces violences et atteintes aux personnes par des aidant.e.s...

Les aidant.e.s font quantité d'actes utiles et bien-traitantes pour les femmes victimes de violences dans leurs couples. A partir d'observations directes et de témoignages entendus de la part de professionnels ou de femmes ayant connu ces violences, je sais que les aidant.e.s font parfois aussi ce genre de choses :

  • Des travailleurs et travailleuses sociales et médico-sociales qui utilisent la menace de placement des enfants pour que des femmes quittent le foyer ou se conforment aux attentes du service social ou de l'ASE...

  • Des institutions qui, via des professionnels, contraignent des femmes à déposer une plainte qu'elles ne veulent pas déposer, car c'est la condition pour accéder à un dispositif de mise à l'abri (critère imposé par certaines institutions) ou d'écoute... ("c'était la troisième fois qu'elle revenait avec un œil au beurre noir pour parler de ce qu'elle avait encore subie et nous lui avons dit que dorénavant nous la recevrions que si elle avait avant déposé plainte"...)

  • Des femmes contraintes de déposer plaintes même si elles ne le souhaitent pas, suivant les directives des Procureurs et du Ministère de la Justice...

  • Des femmes qui refusant de le faire et se heurtant à l'obligation qui leur est opposée préfèrent ne rien déclarer et repartir dans l'autre zone de violence, celle de leur foyer...

  • Des femmes dont des éléments de vie privée se partagent entre services et associations beaucoup que nécessaires, que justifié, que respectueux afin de la convaincre... ("je vais te parler d'une dame, ce serait bien que tu la reçoives pour la convaincre de déposer plainte. J'ai aussi parlé de Madame et de sa situation à l'association d'aide aux victimes si elle se présente là-bas.")

  • Des femmes autour desquelles des professionnels, réunis dans des instances regroupant de multiples acteurs, se coalisent pour leur faire faire ce qu'ils souhaitent ("il faut absolument qu'on arrive à lui faire faire" une plainte, un départ, un acte quelconque...), organisant ainsi une coalition des bienveillants...

  • Des femmes que, par le partage d'informations à charge, on enferme dans une catégorie négative ("manipulatrice", "hystérique", "folle"), organisant ainsi un regard collectif défiant et pouvant aller jusqu'à limiter ou empêcher l'accès à un soutien adapté...

  • Des femmes dont on ne demande pas ou plus l'avis ni l'accord pour agir à leur place vers la réponse qui est souhaitée pour elles et non par elles, et que l'on transforme ainsi en objet...

  • Des femmes que l'on décrète sous emprise pour mieux dénoncer leur situation contre leur volonté, sans même les en informer... (certains professionnels de santé n'ont pas attendus les modifications du L226-14 du code pénal consécutifs à l'adoption de la loi du 30 juillet 2020 pour agir contre l'accord des personnes...)

  • Des femmes à qui l'on impose de parler à des enquêteurs quand bien même elles ne le souhaitaient pas voire le refuse... (quand une enquête est ouverte suite à un signalement, et que l'on auditionne la victime désignée en souhaitant avec insistance qu'elle parle et confirme les éléments du signalement).

  • Des femmes que l'on place en situation d'invalider leur propre parole, à s'invalider elles-mêmes pour ne pas subir ce qu'elles craignent plus que leur conjoint violent... ("j'ai menti dans ma plainte"... "j'ai dit n'importe quoi au médecin"... "je raconte des histoires parfois"... "j'ai exagéré").

  • Des femmes que l'on colonise via une surinterprétation de besoins imaginés mais non-vérifiés et d'attentes d'action qui lui sont prêtées, le tout semblant justifier nos actes de protecteurs, le fait que nous nous substituons à elle en confondant nos choix avec ceux qu'elle souhaiterait... ("si elle me dit ça, c'est sans doute pour que je le dénonce et qu'elle n'est pas capable de le faire elle-même, je vais faire un signalement et/ou alerter untel").

  • Des femmes qui choisissent de rester en couple et autour desquelles on déclenche des enquêtes sur leur capacité à être mère (IP) quand elles sont en difficulté en tant que femmes, que l'on place ainsi sous une surveillance qu'elles ne pourront quitter que lorsque la séparation sera réalisée...

  • Des femmes que l'on pousse à se voir mortes pour les pousser à fuir d'un lieu de danger au risque faible à nul... ("vous voyez, le cycle de la violence nous permet de comprendre que ça empirera, forcément, jusqu'au pire...")

  • Des femmes que l'on réduit à la catégorie infractionnelle "victime" et que l'on presse de se reconnaître comme telles.. pour les engager à entamer un processus judiciaire.

  • Des femmes que l'on incite à parler à un psychologue avec une telle insistance que cela prend une forme proche du harcèlement parce que "parler, ça fait du bien"... ("elle ne veut toujours pas voir un psychologue alors que je lui ai dit plusieurs fois qu'il fallait qu'elle aille gratter là où ça fait mal"...)


Les violences et atteintes aux femmes produites par des professionnel.le.s, on en parle quand ?


Après les avoir identifiés.

Après avoir pensé que nos intentions, bonnes et bienveillantes, ne suffisent pas à garantir un résultat respectueux de la dignité des personnes, certainement.

Après avoir pensé que nos peurs ne justifient pas toutes les pratiques, nous être rappelés que la fin ne justifient pas tous les moyens, sans doute.

Après avoir absolument refusé d'être des Sauveurs/Sauveuses et/ou Justiciers/Justicières qui utilisent ces femmes violentées pour se mettre en valeur.

Après avoir osé aborder en faisant un pas de côté nos pratiques individuelles et collectives auprès des femmes qui ont déjà subi assez de violences et atteintes pour ne pas en rajouter, professionnellement.


Puisque cela existe déjà dans certains lieux, à certains moments, (et ce serait intéressant qu'ils écrivent cette pratique) cela peut s'amplifier voire même venir dans des institutions où on ne se pose pas ces questions. Par exemple, en établissant dans notre service une réunion annuelle sur le thème "parlons de nos violences, nos brutalités, de nos façon d'atteindre à la dignité, aux capacités, aux choix des personnes, de provoquer des vices de consentement" ?







Pourquoi cet impensé ?

quelques Hypothèses


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