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  • Photo du rédacteurLaurent Puech

Derrière l’IP classée sans suite, sentiment d’humiliation, d’incompréhension et rupture - Témoignage

Dernière mise à jour : 31 oct. 2023

[Avertissement : Il y a quelques temps, un père avait commenté un de mes articles en indiquant les effets préjudiciables de l'IP qu'il vivait. Après échange avec lui, il a accepté, et je l'en remercie, de témoigner de cette expérience-épreuve qu'est de vivre-subir une IP. Cette IP a depuis été classée "sans suite". Pourtant, comme pour cette mère qui elle aussi avait témoigné sur mon blog, il montre combien l'enquête administrative (lui parle d'"inspection") que déclenche une IP est un processus qui abîme un système familial. Ce texte est donc le sien, sa façon d'expliquer ce que cela fait, tant à ceux qui ont vécu, que ceux qui peuvent la vivre un jour (toutes le familles) ou simplement les professionnels mettant en œuvre la procédure d'enquête relative à l'IP. Histoire de sortir d'une vision fantasmée d'une protection forcément bonne et par nature non-violente tant qu'elle se situe dans le cadre administratif... Laurent Puech]


Eh bien, regardons cette situation compliquée ! On pourrait écrire un roman pour explorer toutes les chronologies, les acteurs, les secrets bien gardés, et les raisonnements compliqués... Mais restons légers et concentrons-nous sur ce que change une "Information Préoccupante" (IP) par rapport à la relation que l'on peut avoir avec l'Éducation Nationale (EN).

À la base, nos relations avec un enseignant n’étaient pas exactement une idylle romantique. Nous étions même deux familles à avoir exactement le même problème avec ce prof en particulier. Mais bon, nous avons essayé de jouer le jeu et d'accepter leurs demandes. Enfin, presque toutes. Nous avons quand même défendu nos positions de temps en temps, mais le but était de faire en sorte que notre gamine suive une scolarité.

Nous avons coopéré, nous avons fait preuve de bonne volonté, même si le comportement de l'enseignant était parfois digne d'une comédie hollywoodienne.


Et puis, un jour, boum ! On se retrouve avec une "Information Préoccupante" (IP). Peu importe pourquoi, c'est comme ça. Mais voilà, cette IP semble être une tentative de plus pour exclure notre fille de l'école. Ou du moins de quoi reporter la responsabilité sur les parents. Ou mettre un élément de plus dans le dossier. Quelque chose dans ce goût là. Bien sûr le motif est toujours parfaitement valable sur le papier. Pensez-donc Madame Michu, s’il y a un risque, même minime, il faut alerter ! La sécurité avant tout. La sécurité de « qui » est une question plus nébuleuse à répondre.

Et nous nous retrouvons avec les services sociaux, à devoir révéler tous nos secrets, même ceux que nous n’avons pas. Sinon, c'est la force qui s'en charge.

Franchement, c'est un peu comme une enquête policière à la Sherlock Holmes. Des étrangers débarquent chez vous, regardent partout, posent des questions, et si par malheur quelque chose ne leur convient pas, c'est le tribunal qui vous attend. Et tout ça pour quoi ?

Rien.


La seule chose qu’on nous reproche, apparemment, est que ma femme et moi avons eu l'audace de contrôler notre image de bons parents sans argument concret, hormis les impressions de l’ASS, pour étayer cette thèse. On a un peu joué la carte de la perfection parentale, on passait l’inspection. Oui, on a retiré des livres de la bibliothèque par peur que les personnes qui allaient venir inspecter le domicile interprètent des titres de thèses historiques ou politiques de travers. On ne peut pas prendre le risque qu’un inconnu tire des conclusions dangereuses et à l’emporte-pièce vu l’air du temps. Oui on contrôle nos mots, nos phrases, nos gestes. Je le répète, on passe l’inspection. Tout parent sait qu’il n’est pas parfait, chaque famille à ses habitudes.

Oui, on est nécessairement sur la défensive. C’est probablement très important à comprendre. Quand bien même ma femme et moi-même ne doutions pas un instant des intentions bienveillantes des agents de l’ASE, on sait que ces personnes viennent chercher les dysfonctionnements. Pas que ça mais le moindre truc louche va piquer leur curiosité. Quelque part j’espère bien, on attend de ces gens qu’ils protègent les enfants. Mais ce n’est pas une aide qui est apportée en premier lieu. C’est un contrôle. C’est une remise en question de notre rôle de parents qui peut avoir des conséquences.


Vis-à-vis de l’école, ça a définitivement tendu les relations. Ils sont devenus définitivement des hostiles. Des gens dangereux. Il n’a plus été question de dialogue ou de modus vivendi.

Heureusement, l'affaire a été classée sans suite. Noter le vocabulaire judiciaire. Même pas de recommandations.


Tout ça pour ça, vraiment ?

Si on prend un peu de recul, qu'avons-nous ? Une simple querelle entre l'équipe enseignante et les parents d'élèves, une dispute qui aurait pu se résoudre autour d'une tasse de thé. Au lieu de ça, on a eu une IP, une anxiété à n'en plus finir qui a impacté les enfants, des services sociaux qui viennent inspecter une maison, et des rendez-vous dignes du FBI.

  • On est soumis à un contrôle arbitraire, c’est humiliant.

  • On est remis en cause dans notre rôle de parents, c’est insultant.

Excusez-nous si on ne prend pas la chose positivement.

Et je peine à voir l’intérêt porté aux enfants dans cette procédure.

Il y a tout de même un papier qui suit ma fille. Papier dont on pourrait là aussi dire beaucoup de choses mais ce n’est pas le propos de cette intervention.

Tout ça pour finir par se demander pourquoi on est passé par tout ça. Sûrement pour punir un parent qui ose remettre en question les méthodes d’un enseignant parce que non, on n’évoque pas les problèmes d’une enfant devant elle et ses camarades de classe, non on ne place pas une gamine qui une sensibilité forte à côté de la gamine qui se moque d’elle en permanence. Par exemple. J’ai une liste longue comme le bras d’agissements qui mériteraient des explications franches et nettes.


En fin de compte une IP, c'est un peu comme un drapeau rouge qu'on agite, et ensuite on sort le fouet. On signale, on punit et tout le monde vit heureux. Enfin, presque.

Finalement Shakespeare avait raison dans Richard III. Dire ce qui est n’est pas honnête, c’est impudent.

Désormais, je suis un peu (attention : euphémisme) moins coopératif avec les membres de l'EN. Je ne suis même pas sûr que ça vaille le coup de coopérer. Toute collaboration sera dûment consignée et enregistrée dans le cas d’une situation qui se développe.

Bien sûr ça ne va pas mettre une bonne ambiance mais mieux vaut prévenir que guérir. Je ne ferai pas deux fois la même erreur et je n’ai plus envie de faciliter les choses à l’institution scolaire.

Le but n’est pas de judiciariser les choses systématiquement mais s’il y a besoin d’équilibrer les rapports de force, ce sera nécessaire d’avoir les chronologies, les dires et les actes de chacun.


Toujours est-il que tout se passe bien désormais pour mes gamins et surtout ma gamine depuis que l’on a changé d’école.

Cependant je reste sur la réserve malgré tout. Je dis "non" aux réunions avec les enseignants de mes enfants dans leur nouvelle école. J’ai aquaponey.

Ils ont des carnets de liaison, après tout.

C'est un moyen plus sûr d'avoir tout par écrit. Je n’ai rien à leur dire et ce qu’ils disent n’a pas d’importance tant que tout va bien. Ça n’empêche pas la courtoisie, la politesse, la correction, l’amabilité bien évidemment mais les règles du jeu sont posées. Et si pour une raison X ou Y, je dois faire une IP, j’en ferai une. Ça pourrait devenir drôle.

Un père

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