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  • Photo du rédacteurLaurent Puech

Psychanalyse et ASE : de la nécessaire rationalité de la critique

J’ai lu le texte de Sophie ROBERT intitulé La psychanalyse au cœur de l’échec de l’aide sociale à l’enfance mis en ligne sur son blog depuis le 30 août, qui met en cause de façon centrale un livre de Joseph ROUZEL. Sophie ROBERT souhaite protéger les familles et enfants de l’influence dangereuse qu’aurait la psychanalyse sur les décisions de l’ASE, cette dernière et les professionnels qui y interviennent étant eux-aussi ciblés au passage.

Craignant des réactions polarisées incitant à se ranger dans un camp, à voir se lever les pour et les contre dans un débat peu-productif, je m’en décale à l’avance, pour aborder les seuls sujets soulevés par ce texte qui me semblent important : la valeur des conclusions et de l’argumentaire proposé par Sophie ROBERT (les affirmations concernant l’impact de la psychanalyse sur l’ASE sont-elles démontrées ?) et le débat sur la place de la psychanalyse dans les formations et pratiques de travail social.


Sophie ROBERT a raison

Sophie ROBERT a raison sur au moins un point. La psychanalyse occupe une place importante dans l’histoire de la formation des éducateurs spécialisés ou moniteurs-éducateurs notamment, et elle a pu impacter dans une moindre mesure d’autres filières du travail social.

Je suis aussi d’accord avec Sophie ROBERT sur la nécessaire interrogation de la place que tient aujourd’hui la psychanalyse dans les enseignements des filières de travail social. La question de sa pertinence et de sa validité en termes de connaissances sur le développement des êtres humains est posée depuis de très nombreuses années, et nous avons plus que des questions : des éléments solides de réponses. Les centres de formation des travailleurs sociaux ne sont pas exempts de cette interrogation et doivent intégrer ces réponses montrant l’invalidité de concepts et histoires-mythes de la psychanalyse.

Ainsi, je partage son regard sur la non-pertinence de la grille de lecture psychanalytique, l’invalidité de ses postulats et le caractère pseudo-scientifique de cette discipline. J'ajoute qu'un bilan critique des effets de ses enseignements et de sa domination intellectuelle passée sur une large part du secteur social serait pertinent [1].


J’ai aussi le même niveau d’exigence quand je lis Sophie ROBERT que celle que j’ai quand je lis (ou lisais..) un psychanalyste.


Sophie ROBERT est en retard

Je reparlerai plus loin de la question de la présence très inégale de la psychanalyse dans les centres de formation. Disons déjà que de nombreux signaux montrent qu'elle y est en très net reflux, là comme à l’université ou dans une bonne part de la société, se réduisant telle une peau de chagrin. Plusieurs amis formateurs notent cette tendance à la baisse, voire la disparition de la référence psychanalytique dans les équipes de travail social. Les psychanalystes eux-mêmes s’en plaignent. C’est une tendance, donc une moyenne, qui a aussi ses exceptions. Dans certains lieux, elle peut encore être dominante [2].

Dans l’histoire, depuis les années 70, elle tenait une place prépondérante voire exclusive dans certains lieux. L’enseignement de la psychologie se réduisait à un enseignement de la psychanalyse. Et j’ai vu à la fin des années 90 le trouble de plusieurs formateurs lorsque l’on osait porter un regard critique sur les postulats de la psychanalyse. Une situation que des sortants de formation en 2020 n’ont pour la plupart pas rencontrée mais que certains ont en effet vécue (voire subit).


Sophie ROBERT confond les temps

J’avoue être dubitatif devant le fait que l’auteure propose de critiquer à partir de l’analyse d’un livre paru en 2020 des pratiques supposées des professionnels actuellement en postes à l’ASE, ce qui suppose une qu’ils ont été formés des années, voire des dizaines d’années avant la parution de ce livre… Le procédé est, disons, étonnant. Si au moins elle avait utilisé aussi d’autres ouvrages de ROUZEL, plus anciens, le propos aurait au moins eu la cohérence de porter une critique sur les pratiques actuelles à partir de support supposés de la formation des professionnels en poste.


Sophie ROBERT ne démontre rien de ce qu’elle annonce en titre

Se poser en critique de la psychanalyse n’est pas auto-validant pour son propos. Vouloir « bouffer du psychanalyste et de la psychanalyse » ne nécessite pas une argumentation solide. Affirmer que La psychanalyse est au cœur de l’échec de l’aide sociale à l’enfance n’est cependant pas une petite affirmation. Dans ce titre est énoncé l’échec de l’ASE (partout ? Toujours ?) et sa cause centrale (« au cœur »). C’est donc une affirmation extra-ordinaire (identification de la cause de l’échec d’une mission légale aussi complexe et diversifiée que celle de l’ASE). Elle nécessite donc en retour une démonstration extra-ordinaire, ce qui signifie une argumentation et des faits solides pour soutenir l‘affirmation.

Et le texte de Sophie ROBERT est sur ce plan d’une extrême fragilité. C’est bien ce que je vais critiquer ici.


Ce que l’affirmation supposerait comme démonstrations

Dire que la psychanalyse est au cœur de l’échec de l’ASE comporte plusieurs préalables :

1 Établir l’influence de la psychanalyse sur les étudiants et professionnels

2 Donner une mesure de la surface et de l’impact de Joseph ROUZEL au sein des sources psychanalytiques

3 Définir ce que Sophie ROBERT appelle l’échec de l’ASE.

4 Déterminer la place de la psychanalyse dans ces échecs…


Je reprends ces quatre points.


1 Établir l’influence de la psychanalyse sur les étudiants et professionnels ?

Je l’ai dit, force est de constater la présence de la psychanalyse a décru fortement jusqu’à ne plus être un élément important de la formation. Là où elle domine encore, c’est seulement une question de temps avant de la voir décliner voire s’éteindre. Alors, quand Sophie ROBERT dit en introduction de son texte « En France, la formation des éducateurs spécialisés est aujourd’hui encore majoritairement psychanalytique. Cette approche pseudo scientifique sectaire les place en contradiction avec leur rôle social, et tous les partenaires de la protection de l’enfance. », elle fait ce qui ressemble à un constat mais sans dire à aucun moment à partir de quoi elle peut affirmer ce « majoritairement psychanalytique » ni ce qu’il recouvre. Je serai aujourd’hui incapable de donner une proportion, seul le mouvement de perte d’intérêt est pour moi visible.

Ajoutons que les éducateurs spécialisés rencontrent différentes disciplines durant leurs formations. Donc, est-ce « majoritairement psychanalytique » au sein des enseignements des différentes approches en psychologie ?

Sur les 1450 heures de formation théorique et 2100 heures de formation pratique des éducateurs spécialisés, quelle est la part de la psychanalyse dans les apports, pour chacun des centres de formation de travailleurs sociaux ? Sophie ROBERT ne le sait pas. Et pour cause. Cela dépend pour beaucoup des orientations des responsables de ces enseignements dans les centres de formations. Chaque centre a donc une part plus ou moins importante laissée à l’approche psychanalytique. Ensuite, quelle est la part d’étudiants qui choisissent de l’intégrer un peu, beaucoup, pas du tout, dans leurs acquis ? Certains privilégient une approche systémique, quelques-uns sont intéressés par les neurosciences ou la psychologie sociale, ou encore la psychologie cognitive.


Elle affirme ainsi une homogénéité des éducateurs spécialisés qui n’existe pas, et en déduit une opposition avec leur environnement professionnel qui est là aussi non-étayée. Non pas que la situation qu’elle décrit soit imaginaire. Elle existe en effet. Mais généraliser comme elle le fait est abusif. Est-elle sûre qu’autour des éducs, tous les autres professionnels sont exempts d’une lecture des situations influencées par la psychanalyse ? Est-elle sûre que ce sont toujours les éducs spés qui sont plus psychanalytico-compatibles que leurs interlocuteurs ? Sa faible connaissance du secteur professionnel qu’elle critique ne semble pas lui permettre d’en voir la diversité des cultures, approches, tant entre professionnels que services et institutions…


2 Donner une mesure de la surface et de l’impact de Joseph ROUZEL au sein des sources psychanalytiques

Parmi les sources d’information et de formation des étudiants et des professionnels de l’éducation spécialisée référées à la psychanalyse, quelle est la place de Joseph ROUZEL ? Le texte de Sophie ROBERT étant centré sur cet unique auteur, on peut le penser central partout et pour tous les étudiants et professionnels en poste. Elle affirme sur sa page Facebook que pour écrire son article, elle a discuté « avec de nombreux éducateurs spécialises, certains formes il y a 20 ans, d’autres tout récemment ou en formation, et mon propos est base sur leurs dires. Rouzel est considéré comme une référence. » Mais quel est son impact ? Référence en ce sens que son nom est connu ? Référence parce que ses ouvrages sont lus ? Référence parce que ses analyses inspirent les étudiants ?

De fait, la psychanalyse dans ses concepts et ses définitions génère sa propre barrière qui limite à un petit nombre l’accès à ses écrits et propos. Il en subsiste finalement fort peu de chose à la sortie de la formation. Pour la plupart des étudiants, ne restent que les quelques grands concepts de la psychanalyse par ailleurs très répandus dans la psychologie populaire (inconscient, surmoi, complexe d’Œdipe) essentiellement référés à Freud. De fait, les travaux de Joseph ROUZEL me semblent avoir un impact fort limités, hormis sur un petit nombre d’étudiants et de professionnels. Et dans une équipe, la place et la parole du psychologue (pas formé dans les institutions de travail social) pèse souvent bien plus que celle de l'éducateur...

Ajoutons que le milieu de la psychanalyse est divisé en tellement de chapelles et de regards que ROUZEL est aussi critiqué par d’autres formateurs ou professionnels qui eux aussi se référent partiellement ou totalement à la psychanalyse.


3 Définir ce que Sophie ROBERT appelle l’échec de l’ASE.

Quels sont ces éléments que Sophie ROBERT nomme échec de l’ASE ? Je n’en trouve que deux dans son texte, très flous.


Le premier "argument" est dans le chapeau de son article :

« Comment expliquer l’incapacité chronique de l’Aide Sociale à l’Enfance à répondre aux besoins élémentaires des enfants dont elle a la charge ? ». 

La protection de l’enfance fait l’objet de nombreuses critiques fondées sur ses limites et incapacités. Elle ne se résume pourtant pas à ces seules limites et incapacités. Elle permet aussi à des enfants de bénéficier des besoins élémentaires voire vitaux. Certains, qui sont accueillis suite à des négligences familiales qui mettaient leurs vies en danger ou ceux qui étaient victimes de maltraitances directes graves, peuvent entrer dans la catégorie de ceux qui ont bénéficié de besoins élémentaires assurés par l’ASE et ses professionnels. Les témoignages de Jhon RACHID ou Maelle BOUVIER aux Assises de la protection de l’enfance en 2019 montrent aussi une facette trop souvent ignorée des effets pas chroniquement négatifs de la prise en charge d’enfants par l’ASE.


Le second argument à l’appui de cette affirmation d’échec de l’ASE est difficile à qualifier tant il souffre de nombreux biais. Le voici :


« Une plainte récurrente adressée à l’ASE c’est leur obstination à détruire les familles avec handicap : d'après un rapport de la FNASEP auprès du défenseur des droits, en France les enfants handicapés ont 7 fois plus de risque d’être placés par l’ASE sur la seule foi de leur handicap. Dans le même temps, des fillettes incestuées dont le père a été incarcéré, sont poussées à le revoir à sa sortie de prison, car il conserve son droit de garde, sans que cela n'émeuve personne. De nombreux enfants maltraités signalés sont laissés à la garde de leur famille toxique, faute de place…
L’explication est psychanalytique. Au fil des pages, Joseph Rouzel casse tous les repères des élèves éducateurs, affirmant page 97 « Il n’y a pas de bonne mère pas plus que de mauvaise » (…) « penser qu’il en est de suffisamment bonnes c’est impliquer qu’il en est de… pas suffisamment bonnes. C’est ainsi qu’on introduit une discrimination tout à fait dommageable entre les bonnes et les… mauvaises mères ».

La somme des incohérences et insuffisances, assorties au passage d’une donnée fausse, dans ce passage est impressionnante. Ainsi :

- Sur l’usage de l’affirmation « leur obstination à détruire les familles avec handicap » : cela veut dire que pour l’auteure (aucune source à sa phrase « une plainte récurrente » : qui le dit ? Où ?), l’obstination n’est pas dans une erreur potentielle mais bien dans la volonté de destruction des « familles avec handicap » qui serait celle de l’ASE, c’est-à-dire des professionnels de l’ASE ! Sophie ROBERT mesure t-elle ce qu’elle dit quand elle écrit cela ?

- Dans le rapport cité, le terme « obstination » n’apparaît qu’une fois, à propos d’une équipe… scolaire et non pas de travailleurs sociaux.

- Sophie ROBERT noircie encore le tableau en arguant d’une donnée fausse et parfaitement vérifiable puisqu’elle donne le lien. Le rapport de la FNASEP date d’août 2015 et ne parle aucunement d’un risque majoré par 7 d’un placement à l’ASE des enfants handicapés ! Il précise : « On peut donc estimer que les familles ayant un enfant handicapé font sans doute au moins sept fois plus souvent l’objet d’une information préoccupante que la moyenne. » (voir page 7). Or, une information préoccupante n’est pas un placement. Une information préoccupante ne déclenche pas systématiquement d’enquête sociale. Et si c’est le cas, l’évaluation qui en résulte se termine dans la majorité des cas par autre chose qu’un placement (classement sans-suite ; aide éducative administrative ou judiciaire par exemples). Je pense que cette information fausse résulte d’une erreur par confusion ou méconnaissance, ou, peut-être, une volonté de charger la barque.

- Notons qu’elle ne dit absolument pas en quoi la psychanalyse serait le facteur explicatif de ce traitement particulier des situations de familles avec enfants handicapés…

- Vient ensuite une phase de confusion où se mélangent des enfants handicapés qui seraient placés en trop grand nombre en raison de l’obstination de l’ASE, d’autres enfants qui seraient à la garde de leurs parents incestueux (histoire de mettre un peu de pathos en plus) pour arriver à ces enfants qui eux font l’objet d’une mesure de placement non-exécutée faute de places… occupées par les enfants handicapés… Que de raccourcis, et aucune démonstration : combien de mesures non-exécutées par manque de places en France pour combien d’enfants handicapés placés par « obstination » de l’ASE ? Rien, pas une donnée, sauf une donnée fausse, ne vient appuyer le déroulement du propos.

- Et la chute est « magnifique » : « L’explication est psychanalytique. » Le manque de places au niveau national au regard du nombre sans cesse augmentant des enfants confiés ? La question des moyens sur toute la chaine de l’accompagnement en milieu ouvert ? Les décisions de Justice (et oui, l’ASE n’est pas seule dans cette affaire…) ? La difficulté à faire face à l’arrivée de nombreux Mineurs non-accompagnés depuis plusieurs années et confiés à l’ASE ? L’insécurité des équipes et institutions dans les préconisations produites ? Ne cherchez plus du côté de la complexité, des politiques gestionnaires et des multiples facteurs à l’œuvre, Sophie ROBERT a trouvé : « L’explication est psychanalytique. »

- Enfin, une nouvelle fois, expliquer par le livre de ROUZEL de 2020 des éléments qui existent depuis bien longtemps (voir le rapport de 2015 de la FNASEP) devrait apparaître à l’auteure elle-même comme une aberration.


Cette critique de l’ASE s’inscrit dans un mouvement analysé par Yves FAUCOUP où l’on retrouve pêle-mêle des données vraies, d’autres fausses, le tout convergeant vers des généralisations abusives en forme de constats biaisés.


4 Déterminer la place de la psychanalyse dans ces échecs ?

On cherchera en vain une telle démonstration. Finalement, il faudra se contenter des multiples extraits du livre de Joseph ROUZEL et admettre la certitude sans preuve, définition commune de la croyance, de ce que pense Sophie ROBERT : ce que dit ROUZEL montrerait combien la psychanalyse produit des professionnels qui, pensant à partir de la psychanalyse que cet auteur promeut, pensent à côté de la plaque.

D'ailleurs, l'article de Sophie ROBERT est finalement principalement, voire seulement, la critique du livre et des propos de Joseph ROUZEL.


A la croyance des psychanalystes et les biais argumentatifs dont ils usent, Sophie ROBERT répond donc au même niveau. Et elle termine en fanfare par des affirmations qui disent sa conviction mais tragiquement faibles en termes de démonstration.


Un final en fanfare



« Le coût humain, social et financier, de la formation psychanalytique des professionnels de la protection de l’enfance (formation des éducateurs spécialisés) est phénoménal. »

Rien dans son écrit ne permet de montrer un tel coût. Cette affirmation sous forme de question soulevant un débat serait pertinente. Sous cette forme affirmative, elle est creuse.

Ainsi, pour arriver à la conclusion d’un coût phénoménal, il faudrait avoir beaucoup plus d’éléments que ce qui est apporté là. Il faudrait aussi intégrer des éléments complexes : tous les éducateurs avec une approche psychanalytique ne sont pas homogènes dans leurs analyses. J’en ai vu se déchirer sur des questions de protection de l’enfance, avec l’affirmation de la nécessité d’une séparation parent-enfant pour l’un et le maintien au domicile comme préférable pour l’autre. Et parmi ceux qui se disent psychanalystes, Joseph ROUZEL a probablement quelques différences d’approches avec Maurice BERGER… qui en 2004 écrivait un livre intitulé L’échec de la protection de l’enfance, comme quoi, une analyse de ce que produisent « les psychanalystes » et la psychanalyse mérite plus de nuance que ce que Sophie ROBERT propose…

De même, il faudrait donc aussi prendre en compte ces fois où des éducateurs qui ont été impactés par la psychanalyse, voire ROUZEL, ont eu des comportements bénéfiques pour un enfant, un parent, un groupe familial… Allez savoir, peut-être y en a-t-il ?



« Promotion d'une pseudo science, incompétence généralisée, abus de faiblesse, maltraitance, chaque page de ce manuel recèle une infraction caractérisée. »

Bien d’accord sur la promotion d’une pseudo-science au sens Poppérien du terme, comme je l’ai dit plus haut. Pour l’ « incompétence généralisée », encore faudrait-il définir en quoi. Quant aux «Abus de faiblesse », « maltraitance », et affirmation qu’une « infraction caractérisée » (on est donc passé sur un registre pénal et Sophie ROBERT est devenue officier de police judiciaire ?) pour terminer en feu d’artifices… Bon, là, on a quitté le terrain du raisonnable, encore une fois car il n’y a pas de démonstration à l’appui. Pourtant, si on en trouve « à chaque page », cela devrait pourtant être simple.



« Il ne s'agit que d'un exemple, tout récent, parmi tant d'autres. »

Un exemple de quoi ? De la nocivité de la psychanalyse ? De la supposée « maltraitance infractionnelle » de ROUZEL ? De la prégnance de la psychanalyse sur les formations d’éducateurs spécialisés ? La précision aurait aidé à clarifier le propos.



 « L’État est garant de la validité des diplômes dispensés dans l'enseignement supérieur. Quand un gouvernement aura-t’il le courage de mettre un terme à l'enseignement de cette pseudo science criminelle ? »

Si Sophie ROBERT veut que l’on n’enseigne plus la psychanalyse ici qualifiée de « criminelle », référence à la catégorie la plus grave dans la hiérarchie des infractions pénales si toutefois elle se situe toujours sur ce registre, encore faudrait-il construire un argumentaire valide.


Pour conclure : « bouffer de la psycha » ou montrer l’invalidité de la psycha ?

Pour ceux qui veulent bouffer de la psychanalyse et/ou faire de l'"ASE Bashing", je suis sûr que le texte de cette auteure suffit et ils trouveront en ROUZEL le psychanalyste à combattre. Le combat qu’elle mène contre les psychanalystes (dont certains ont tenté de la censurer par voie de justice sans heureusement y parvenir même s’ils ont fait perdre deux ans et créé un préjudice reconnu en justice – voir l’affaire autour de son documentaire Le Mur, 2011) explique peut-être la faiblesse d’un texte emporté par une volonté de dénoncer et dézinguer.


Mais cette approche comporte un risque. Celui de personnaliser la question et de voir se polariser les camps en pro-ROBERT vs pro-ROUZEL. La part consacrée à Joseph ROUZEL dans le texte, la somme de ce que Sophie ROBERT lui fait porter invite à cliver non pas sur la valeur de la psychanalyse, mais dans un affrontement peu productif si ce n’est pour les ego.


Pour ceux qui veulent des argumentaires solides, étayés, qui critiquent de façon sérieuse la psychanalyse, je ne peux que conseiller d’autres lectures. Par exemple, les articles de Jacques VAN RILLAER, publiés sur son blog hébergé par Médiapart ou sur le site de l’AFIS, la série de vidéos En finir avec la psychanalyse ? – Entretien avec Jacques Van Rillaer (1re partie , 2eme partie, 3eme partie, 4eme partie) ou encore ses livres tels que Les illusions de la psychanalyse (un peu ancien mais toujours fort intéressant) ou le dernier paru en 2019 Freud & Lacan – Des charlatans ? Faits et légendes de la psychanalyse. Les psychanalyses – Des mythologies du XXe siècle ?, de Nicolas GAUVRIT et Jacques VAN RILLAER, Ed Book-e-book, 2010 permettent de voir qu’il n’y a pas une psychanalyse mais de nombreuses formes et déclinaisons. On pourra aussi trouver des éléments en consultant la présentation de cet ouvrage et le QR de l’aliéniste et rockologue Igor THIRIEZ, psychiatre, ou encore le site du chercheur Franck RAMUS. Et une somme de travaux est à lire pour aller plus loin que vous saurez trouver si besoin.


C’est plutôt de ce genre de support dont ont aujourd’hui besoin les étudiants, professionnels et équipes socio-éducatives qui utilisent la psychanalyse dans leur pratique quotidienne. Mais les jeunes générations et de formateurs et d’étudiants sont finalement en train de sortir des « années psycha », et ces questions sont aujourd’hui bien moins urgentes qu’il y a 20 ans. Néanmoins, ce sont des échanges et débats qui sont pertinents et opportuns dans le travail social et plus spécifiquement dans le secteur de la formation, comme ils le sont dans le champ universitaire.

Plutôt que la critique radicale, ouvrons à la critique rationnelle.



Notes :

[1] Rappelons nous par exemple de la place que tenait les écrits de Bruno BETTELHEIM quant à la genèse de l'autisme et toutes les dérives que cela a pu générer dans le regard porté sur les mères par des équipes entières; rappelons-nous aussi de la centration sur l'histoire familiale et de la relativisation des effets de contexte pourtant prégnants que peut produire un regard construit par une grille de lecture psychanalytique classique; rappelons-nous la surcharge de responsabilité qu'ainsi elle fait très souvent porter aux parents; rappelons-nous de la diffusion de concepts creux devant jargon commun dans certaines équipes; rappelons-nous le temps passé à l'invitation des professionnels dans des analyses interminables pour des enfants comme des adultes; rappelons-nous l'évitement-dénigrement des psychanalystes pour d'autres formes de compréhension, grilles de lectures aux fondements pourtant scientifiquement démontrés et le retard pris par le secteur du travail social pour accéder à ces savoirs; etc.

[2] Ce dont témoignent les échanges sous le statut Facebook publié par Sophie ROBERT pour annoncer son article, où un éducateur Simon BRACHET témoigne « Alors, je suis éducateur et aussi certain que toi que la psychanalyse n’a pas sa place dans la formation de travailleurs sociaux (à vrai dire je ne vois pas trop ou elle pourrait avoir une pal e d’ailleurs), ce qui est bien trop souvent le cas. En revanche le cas que tu soulèves avec Rouzel est très particulier et pas vraiment représentatif de ce qui est enseigné. Il s’agit là d’un extrême (qui doit être pointé et supprimé nous sommes d’accord), mais ça n’est pas représentatif de ce qu’est le travail social aujourd’hui. Depuis que je suis diplômé j’ai pu travailler avec de nombreuses personnes qui sortent d’écoles différentes de la mienne, et même si il y a toujours quelques relents psychanalytiques malvenus, ils ne sont pas du tout prédominants ni extrêmes comme dépeints à travers « l’enseignement » de Rouzel. » Sur ce même fil de discussion, Lyes Loufok, témoigne d’une situation différente le concernant : « j'ai été marginalisé pendant ma formation parce que je pointais cette escroquerie auprès de mes collègues et formateurs. Le travail social doit absolument se réformer ! 3 ans de formation avec ce bullshit permanent a failli me rendre dingue. »

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