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  • Photo du rédacteurLaurent Puech

Idée fausse : "Violence conjugale égale violence faite par des hommes…"

Dernière mise à jour : 13 mai 2021

[Ce post est un extrait actualisé de mon article Violence conjugale : des idées reçues qui parasitent le positionnement professionnel, paru dans la Revue Française de Service Social, n°239, 4ème trimestre 2010. Il reste d'actualité en 2019. Retrouvez en fin du post les liens vers les autres extraits de cet article]


Idée n°2 : Violence conjugale égale violence faite par des hommes… ou la réduction biaisée


Le passage à l’acte violent n’est pas exclusivement masculin. Comme pour la violence envers les mineurs, on trouve des femmes parmi les auteurs de violences, voire de violences conjugales. Ce phénomène semble avoir été découvert tardivement, puisque, selon un article paru en 2005 dans Courrier international, c'est en 1980 qu'il a été identifié comme tel.  Pourquoi cette idée a-t-elle du mal à être acceptée ? Quelques pistes peuvent donner des éléments de réponse. Associer femme et violence vient rompre quelques représentations et stéréotypes bien ancrés. Le fait que l’émergence de la problématique de la violence conjugale soit consécutive aux travaux et actions des associations féministes [1], naturellement centrées sur la situation vécues par les femmes, a sans doute pesé. L’absence de recherches de grande ampleur concernant les violences faîtes aux hommes au sein du couple découle des points précédents et perpétue le vide sur ce sujet. Pour les professionnels, comment voir ce qui est peu ou pas connu ? Le risque est grand de passer à côté, de manquer l’occasion d’aborder la question ou même de saisir ce à quoi elle peut faire référence, si nous ne pouvons imaginer ce qu’elle vit. Il nous faut donc chercher des données à l’étranger. Il existe en effet des travaux qui permettent de cerner l’existence de ce phénomène avec pour auteur une femme et pour victime un homme (couple hétérosexuel) ou une femme (couple lesbien [2]). J'ajoute aussi que la violence existe aussi au sein des couples gay, avec un nombre d'homicides significatif entre hommes.


Concernant les hommes, le travail de Denis Laroche [3] « Prévalence et conséquences de la violence conjugale envers les hommes et les femmes » paru en 2005 s’est intéressé aux violences subies par les femmes et les hommes au Québec. Il en ressort que la violence psychologique subie par hommes et femmes est de même niveau. Par contre, il y a une différence significative dans les agressions physiques : les femmes subissent nettement plus de violences physiques que les hommes, et l’écart progresse avec la gravité de l’acte. En clair, hommes et femmes peuvent se trouver en situation de subir des violences conjugales de tous types, même si les femmes sont plus exposées à des violences physiques graves voire mortelles. Cet aspect est particulièrement illustré par les chiffres 2008 des personnes décédées au sein du couple victimes de leur partenaire ou ex-partenaire : 156 femmes pour 27 hommes [4]. Les derniers chiffres officiels connus concernent l'année 2017 avec 109 femmes et 16 hommes tués dans le couple.


Cette réalité québécoise correspond aux rares données que nous avons aussi en France : un sondage de L’Express [5] montre un niveau de violences psychologiques similaire pour les hommes et les femmes. Les enquêtes de victimisation 2008 et 2009 de l’Observatoire National de la Délinquance montrent qu’une proportion d’hommes deux fois moins importante que celle que l’on trouve chez les femmes déclare avoir subi au moins un acte de violence physique intra-ménage. Les résultats des enquêtes de 2011 à 2017, montrent que ces proportions restent inchangées [6]. La violence physique n’est donc pas rare même si elle est moitié moins fréquente. Ces tendances sont retrouvées dans l’enquête INHES-INSEE 2007 lorsque sont étudiées les violences envers femmes et hommes [7]. Encore faut-il préciser le nombre de personnes victimes de violences au sein du couple, parmi lesquelles certaines subissent de la violence conjugale.


Ce sera l'objet d'un prochain extrait...

[1] Il faut dire haut et fort combien la mobilisation des féministes a permis de mettre à jour les souffrances vécues par nombre de femmes. Leur pression afin que cette question soit posée et trouve des réponses en terme de droit, d’accompagnement et de prise en charge a constitué et constitue encore aujourd’hui un engagement majeur pour faire évoluer et améliorer la situation actuelle.


[2] Voir à ce sujet La réalité de la violence dans les relations lesbiennes, Vanessa Watremez, 2006, disponible à l'époque sur  http://www.air-libre.org/article31.html (copie ici), ou Violences contre les femmes et orientation sexuelle, Brigitte Lhomond et Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, in Violences envers les femmes, trois pas en avant deux pas en arrière, sous la direction de Nadia Chetcuti et Maryse Jaspard, Ed. L’Harmattan, 2007. Consultable sur googlebooks. Voir aussi Violences conjugales entre femmes : les raisons du silence ou encore Violence conjugale : les homosexuel/le/s sont aussi concernées qui précisent certaines données et sources.



[4] Voir Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple - Année 2008. Délégation aux victimes - Ministère de l’Intérieur. Disponible sur http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/aide_aux_victimes/violence-couple




[7] Voir Les violences faites aux femmes, Lorraine Tournyol du Clos, Institut national des hautes études de sécurité, Thomas Le Jeannic, division Conditions de vie des ménages, Insee. INSEE Première n°1180, février 2008. Téléchargeable sur http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1180/ip1180.pdf


Retrouvez (bientôt) les 6 posts extraits de mon article Violence conjugale : des idées reçues qui parasitent le positionnement professionnel, paru dans la Revue Française de Service Social, n°239, 4ème trimestre 2010 :


Idée fausse 1 : "Toute violence au sein du couple est de la violence conjugale…"


Idée fausse 2 : "Violence conjugale égale violence faite par des hommes…"



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