Connaissez-vous l'enquête VIRAGE, menée par l’Unité de recherche « Démographie, Genre et sociétés », de l’Institut national d’études démographiques (INED) ? Comme il est précisé dans sa présentation, "Près de quinze ans après l’enquête ENVEFF, VIRAGE entend actualiser et approfondir la connaissance statistique des violences faites aux femmes et se propose d’étendre son champ d’investigation à la population masculine. Cette enquête quantitative de grande envergure concernera 35 000 personnes (17 500 femmes et 17 500 hommes) âgées de 20 à 69 ans."
C'est un apport important car l'enquête ENVEFF était consacrée aux seules violences faîtes aux femmes. L'enquête VIRAGE (pour VIolence et RApport de GEnre) propose parmi plusieurs objectifs de " Mieux décrire et comparer les violences subies par les femmes et celles subies par les hommes, pour adapter la prévention à la situation respective des femmes et des hommes. ".
Initialement, la parution du rapport complet était prévue pour 2016-2017. Nous sommes en 2019. Contactée par mail, Christelle HAMEL qui dirige cette recherche m'informe que la parution devrait intervenir en avril 2020. C'est une étude massive et il n'est pas étonnant qu'elle ait du retard par rapport aux prévisions.
Une série de premiers résultats très intéressants, notamment concernant les violences déclarées par les femmes et les contextes dans lesquels elles se produisent, ont cependant d'ores et déjà été publiés, accessibles sur la page Documents de travail du site de l'étude. Je n'ai trouvé pour l'heure aucune parution établissant une étude comparée femmes/hommes des violences conjugales psychologiques et/ou physiques. Soit les présentations partielles de résultats portent sur des catégories différentes, soit c'est une présentation partielle et peu détaillée d'une étude sur un territoire réduit ("Violences envers les femmes dans les espaces publics, au travail et dans les couples à La Réunion").
Quant à l'entretien donné par trois des auteurs de l'enquête Elizabeth Brown, Alice Debauche et Magali Mazuy pour Les Cahiers du Genre (2019/1 n° 66 | pages 37 à 50 - payant), il manque parfois de données permettant de cerner le propos. Les auteures y expliquent par exemple que : " La comparaison entre les femmes et les hommes nécessite toutefois beaucoup de prudence en amont de l’analyse, dès la quantification des taux de violence. Dans le cadre du couple par exemple, si l’on additionne simplement par espace de vie le nombre de réponses positives aux questions sur la survenue des différents faits de violence, les résultats sont très proches pour les deux sexes, en particulier concernant les 12 mois précédant l’enquête, alors que des écarts sont plus tangibles pour la vie entière. Mais si l’on prend en compte la nature psychologique, physique ou sexuelle, la fréquence de chaque fait, sa gravité évaluée par la victime, et les contextes dans lesquels ces violences se produisent, les résultats mettent en évidence le caractère genré des violences et les continuums dans lesquels elles s’inscrivent." Pour ma part, je ne comprends pas bien et j'attends donc les résultats pour saisir ce qui est énoncé là. Il reste donc une part d'inconnue sur les données concernant la violence psychologique et/ou physique envers les hommes dans le couple.
Quels qu'en soient ses résultats, la publication de l'intégralité de ce travail de recherche sera un moment fort. Et il est dommage que le Grenelle dit des violences conjugales qui débute ce 3/9/19 ne puisse s'appuyer sur ce travail dans son intégralité. Il ne faudrait pas que ce soit un Grenelle "partiel", ne traitant qu'une partie des violences conjugales. Car quitte à mobiliser tous les acteurs concernés, ce qui est potentiellement très intéressant, autant en profiter pour aborder tous les aspects sur la base de données complètes. Et même si cela risque de déplaire aux féministes radicales et à leurs pendants masculinistes, qui ne voudraient voir abordée qu'une partie des violences : celle produite par l'autre sexe et/ou genre.
Mais la pression mise via l'intense diffusion de décomptes de femmes tuées par des hommes (celles tuées par des femmes ne comptent probablement pas puisqu'elles ne sont pas comptées dans le total diffusé par de nombreux groupes...) ne permettait probablement pas d'attendre autant. Espérons que durant les trois mois du Grenelle, les auteures de l'étude Virage pourront produire des analyses étayées sur toutes les violences conjugales recueillies dans cette enquête inédite en France.
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